A rainy day

Il pleuvait. Une pluie chaude et brutale comme souvent en été. Une de ces pluies qui lavent les rues de toutes leurs ordures. Une bénédiction pour les services de la voirie de Shanghai, notoirement incompétente. Le ciel faisait le travail à leur place.

Su attendait la fin de l’averse juché sur une borne, attentif à ne pas mouiller ses chaussures de combat. De l’eau à l’intérieur et dites adieu à la discrétion. Floc, floc… Il regardait l’eau couler et nettoyer la rue. Un bon nettoyage, voilà ce qu’il allait faire.

La résidence de Kong Su Wang, Hung Kwan du Lotus Rouge de Shanghai, était plongée dans l’ombre. Les drones et les caméras thermiques se passent très bien de lumière. Quatre heures du matin. L’heure où on se pince les joues pour rester éveiller, l’heure où on se fait une énième tasse de thé, l’heure où les gardes s’étirent en pensant à la relève. L’heure des assassins…

La pluie cessa et Su franchit le mur d’enceinte. Ces idiots de riches mettent des barbelés au sommet des murs pour aider les voleurs à grimper. Stupide.

Trois minutes entre chaque drone. Une minute aveugle en comptant la rotation des caméras. Sept secondes pour atteindre la maison. Quatre pour accrocher le grappin au balcon du 1er. Six pour grimper. Neuf pour fracturer la fenêtre discrètement. Quatre pour la fermer proprement. En tout vingt trois secondes. De la marge. M. Kong ne mérite pas son grade de 426.

Les gardes sont au rez-de-chaussée, Mme Kong dort juste à droite et M. Kong, au fond, à gauche.
La porte de Mme Kong n’est même pas verrouillée. Une petite capsule de gaz et elle est partie pour une longue, longue nuit de sommeil. Quelques bijoux et du liquide dans la commode. Alibi.

La chambre de Kong Su Wang est mieux protégée. Cinq secondes pour la serrure et une pour la capsule dodo. Kong est gros, blanc et luisant comme un ver de blé. Les deux putes dans le lit doivent avoir treize ans. Des paysannes du Yunnan apparemment. Le stylet s’enfonce sous l’oreille droite, derrière l’articulation de la mâchoire. Une petite rotation et le cerveau est définitivement hors d’usage. M. Kong ne fera plus sauter de magasin. Dommage pour les putes, elles auront du mal à s’expliquer…

La sortie : dix-sept secondes. Même pas de métachien dans le parc. Et les gardes qui ont peur de se mouiller. Quatre malheureux drones et des caméras avec des angles morts. Trop confiants. Stupide.


Onze jours plus tard, il pleuvait de nouveau. Une pluie fine et froide qui plongeait Valparaiso dans une brume argentée. Xiao Su, sur le pont du porte-conteneurs, se remémorait le nom de ses contacts. Dans une semaine, il aurait traversé le continent. Direction Sao Paulo. Le soleil. Et oncle Wu qui avait du travail pour lui…
Seize ans et une carrière devant soi. Que demander de plus ?