Bon, un pêu de prose en attendant la reprise (et j'ai paumé mes mdp de Ker...) :
Les portes de la citadelle sont comme les crocs d’une bête prête à nous dévorer. Là, devant nous, dans le froid de ce matin blanc.
Ca sent la neige, le métal et la tripaille dans laquelle on patauge jusqu’aux genoux. La peur aussi. Je vois mes compagnons, leurs yeux inquiets, leurs mains serrées sur leurs armes. Ils craignent de mourir ici, dans ce froid polaire, loin de chez eux. Ils ne savent pas le soulagement que ce serait de mourir enfin. De trouver, sinon la paix, au moins le repos.
Je regarde les portes de la citadelle et j’attends avec impatience de revoir Arthas. Mon prince, mon maître.
Je regarde les portes de la citadelle et je me souviens.
J’ai longtemps été sans mémoire, sans envies, sans sentiments ; un instrument de chair et de métal au service de mon prince. Mais aujourd’hui, je me souviens…
-« Kurshin, où vas-tu ? »
-« Je pars, sœurette »
-« Où, pourquoi ? »
-« Je ne sais pas, Lordaeron, je pense. La ferme est trop petite pour nous tous et il n’y a rien pour moi ici. A la foire, le sergent a dit que la solde est de dix pièces d’argent. Embrasse mère pour moi. »
Il faisait doux ce soir d’été dans les marches de l’ouest, les blés étaient presque mûrs. Je suis parti vers le nord avec un petit sac et un bâton. Toutes les possessions d’un cinquième fils de métayer tiennent dans un grand mouchoir : trente pièces de cuivre, une chemise presque neuve, un couteau, un briquet d’amadou, un épi de blé et une mèche de cheveux d’Aelwynn Alexston…
-« Ton nom, mon gars »
-« Kurshin Cobb, Monsieur »
-« Tu vois ces nœuds sur mes manches, garçon ? Pour toi ce sera Chef et pas Monsieur, compris ? »
-« Oui, Chef ! »
-« Signe ici. Ou fais une croix »
…
-« Bienvenue dans la cinquième légion ! »
Lordaeron était belle et les tavernes confortables. Enfin, nous, on a surtout passé notre temps à courir, sauter, ramper, taper sur des sacs. Puis on est partis. A la guerre.
Mes premiers orcs, c’était juste un petit détachement, ça avait l’air facile. Ce jour là, Marel Compton est mort en me tenant la main. Assis contre une souche avec ses tripes répandues sur les genoux. Ce jour là, j’ai cessé d’être un enfant. Ce jour là, aussi, j’ai vu mon prince pour la première fois.
Sa voix résonnait dans la forêt et il allait et venait dans les rangs ennemis comme un dieu de la guerre. Sa masse d’arme fauchait les vies comme la faux d’un maître moissonneur les épis mûrs.
Je l’ai aimé dès le premier regard. Arthas…
Les mois ont passé, nous l’avons suivi. Il était comme une lumière qui éclaire la route. Jusqu’à cette plage du nord où nous sommes tombés, trahis. Jusqu’à ces terres gelées où il nous a relevés, esclaves. Jusqu’à cet instant maudit où il fit de nous ce que nous sommes : des machines de mort. Des chevaliers sans âme. Des armes animées.
Oui, je me souviens. Je me souviens de tout. De la Chapelle de Lumière, de la libération, de Brindélis, ma sœur, tombée sous ma propre épée.
Oui, je me souviens et je voudrais oublier.
Oui, je me souviens et ne peux pardonner.
Oui, je me souviens et je suis là !
Arthas, mon Prince, mon Maître, aujourd’hui je reviens à toi.
Arthas, mon Prince, mon Maître, aujourd’hui je reviens et je passerai ma hache au travers de ton corps.
Arthas, mon Prince, mon Maître, aujourd’hui je reviens et je regarderai s’éteindre la lumière de tes yeux.
Ou je mourrai libre.
Kurshin Cobb